Reine de Francedit
À onze ans, Anne est fiancée au roi Louis XIII de France. Son père lui a donné une dot de 500 000 couronnes et de nombreux beaux bijoux. De peur que Louis XIII ne meure tôt, la cour espagnole stipula qu’elle retournerait en Espagne avec sa dot, ses bijoux et sa garde-robe s’il mourait. Avant le mariage, Anne a renoncé à tous les droits de succession qu’elle avait pour elle-même et ses descendants par Louis, avec une disposition selon laquelle elle reprendrait ses droits si elle restait veuve sans enfant. Le 18 octobre 1615, Louis et Anne se marient par procuration à Burgos tandis que la sœur de Louis, Élisabeth de France, et le frère d’Anne, Philippe IV d’Espagne, se marient par procuration à Bordeaux. Ces mariages suivaient la tradition de cimenter les alliances militaires et politiques entre la France et l’Espagne qui a commencé avec le mariage de Philippe II d’Espagne avec Élisabeth de Valois en 1559 dans le cadre de la Paix du Cateau-Cambrésis. Anne et Elisabeth ont été échangées sur l’île des Faisans entre Hendaye et Fuenterrabía. Elle était vivante et belle pendant sa jeunesse. Elle était également une équestre réputée, un goût dont hériterait son fils, Louis. À l’époque, Anne avait de nombreux admirateurs, y compris le beau duc de Buckingham, bien que ses intimes croyaient que leurs flirts restaient chastes.
Anne d’Autriche, costume de couronnement, par Peter Paul Rubens
Anne et Louis, tous deux âgés de quatorze ans, ont été poussés à consommer leur mariage afin de prévenir toute possibilité d’annulation future, mais Louis a ignoré son épouse. La mère de Louis, Marie de Médicis, continua à se conduire comme reine de France, sans faire preuve de déférence envers sa belle-fille. Anne, entourée de son entourage de dames d’honneur espagnoles de haute naissance dirigées par Inés de la Torre, a continué à vivre selon l’étiquette espagnole et n’a pas réussi à améliorer son français.
En 1617, Louis conspire avec Charles d’Albert, duc de Luynes, pour se passer de l’influence de sa mère dans un coup d’État du palais et fait assassiner son favori Concino Concini le 26 avril de la même année. Pendant les années où il était à l’ascendant, le duc de Luynes a tenté de remédier à la distance formelle entre Louis et sa reine. Il renvoya Inés de la Torre et les autres dames espagnoles et les remplaça par des Françaises, notamment la Princesse de Conti (Louise Marguerite de Lorraine) et son épouse Marie de Rohan-Montbazon, avec qui il organisa des événements de cour qui réuniraient le couple dans des circonstances amicales. Anne commença à s’habiller à la française et, en 1619, Luynes pressa le roi de coucher sa reine. Une certaine affection s’est développée, au point où il a été noté que Louis était distrait lors d’une grave maladie de la reine.
Une série de mortinaissances désenchantèrent le roi et servirent à refroidir leurs relations. Le 14 mars 1622, alors qu’elle joue avec ses dames, Anne tombe dans un escalier et subit sa deuxième mortinaissance. Louis la blâma pour l’incident et était en colère contre la duchesse de Luynes pour avoir encouragé la reine dans ce qui était considéré comme de la négligence. Désormais, le roi tolère moins l’influence de la duchesse sur Anne, et la situation se détériore après la mort de son mari Luynes en décembre 1621. L’attention du roi est monopolisée par sa guerre contre les protestants, tandis que la reine défend le remariage de son inséparable compagne Marie de Rohan-Montbazon, centre de toutes les intrigues de cour, à son amant Claude, duc de Chevreuse, en 1622.
Louis se tourna alors vers le cardinal de Richelieu comme conseiller, qui fut son premier ministre de 1624 à sa mort en 1642. La politique étrangère de Richelieu de lutte contre les Habsbourg, qui encerclaient la France sur deux fronts, a inévitablement créé des tensions entre Louis et Anne, qui sont restés sans enfants pendant encore seize ans.
Sous l’influence de Marie de Rohan-Montbazon, la reine se laisse entraîner dans l’opposition politique à Richelieu et se laisse entraîner dans plusieurs intrigues contre sa politique. De vagues rumeurs de trahison circulèrent à la cour, notamment son implication supposée, d’abord, dans les conspirations du comte de Chalais que Marie organisa en 1626, puis celles du favori perfide du roi, Cinq-Mars, qui lui avait été présenté par Richelieu.
En 1626, le Cardinal plaça Madeleine du Fargis comme dame d’atour dans la maison de la reine pour agir comme espionne, mais elle devait plutôt devenir une confidente de confiance et une favorite de la reine. En décembre 1630, Louis XIII réduit la cour d’Anne et purge une grande partie de ses favoris en guise de punition pour un complot dans lequel la reine avait coopéré avec la reine douairière Marie de Médicis dans le but de déposer le cardinal Richelieu, et parmi les personnes renvoyées figurent Madame de Motteville et Madeleine du Fargis. La reine Anne demanda au Cardinal d’intervenir pour qu’elle garde du Fargis. Quand il a refusé, elle a juré qu’elle ne lui pardonnerait jamais. Du Fargis partit pour Bruxelles, où son épouse s’était rangée du côté du frère du roi Gaston, duc d’Orléans contre le monarque. Après l’invasion de Gaston en 1632, des lettres ont été découvertes de du Fargis à des gens de Paris décrivant les plans d’un mariage entre Gaston et Anne après la mort de Louis XIII. Anne a été interrogée et a confirmé que les lettres avaient été écrites par du Fargis, mais a nié toute connaissance des plans.
En 1635, la France déclare la guerre à l’Espagne, plaçant la reine dans une position intenable. Sa correspondance secrète avec son frère Philippe IV d’Espagne n’était pas la seule communication qu’elle avait avec les Espagnols. Elle a également correspondu avec l’ambassadeur d’Espagne à Mirabel et le gouverneur des Pays-Bas espagnols. Avec l’aide de la servante d’Anne, La Porte, qui agissait comme coursier, Madeleine du Fargis et Marie de Rohan servaient d’agents pour sa correspondance secrète et acheminaient ses lettres à d’autres contacts. En juillet 1637, Anne confie à du Fargis la mission d’examiner s’il y a une vérité à la rumeur d’une alliance entre la France et l’Angleterre, car cela obligerait l’Espagne à couper les liens diplomatiques avec la France et perturberait son réseau de courriers entre les ambassades espagnoles de Paris et de Bruxelles.
Le 11 août 1637, Anne est tellement soupçonnée que Richelieu lance une enquête. Son courrier La Porte ainsi que l’abbesse du couvent préféré d’Anne du Val-de-Grâce (où Anne avait écrit plusieurs de ses lettres secrètes) sont interrogés et admettent avoir participé à canaliser la correspondance secrète de la reine. Anne a d’abord juré sur le Saint Sacrement qu’elle n’avait participé à aucune correspondance illégale, mais a finalement reconnu sa culpabilité le 15 août. Le 17 août, la reine Anne a été contrainte de signer des alliances concernant sa correspondance, qui était désormais ouverte à l’inspection; elle était en outre interdite de visiter les couvents sans autorisation et ne devait jamais être laissée seule, mais devait toujours être en présence d’une de ses dames d’honneur. Cela fut bientôt suivi d’une purge de sa maison, où les fonctionnaires fidèles à la reine furent remplacés par ceux fidèles au roi et au cardinal. Par conséquent, le comte Jean de Galard de Béarn de Brassac, connu pour être fidèle à Richelieu, est nommé chambellan de sa maison, et son épouse Catherine de Brassac remplace Marie-Catherine de Senecey comme Première dame d’honneur pour garder la reine et sa maison sous contrôle.
Patronage conventuel et Val-de-Grâcedit
Dans le cadre de son rôle de membre de la royauté française, Anne visite des églises et des couvents à travers la France, où elle rencontre Marguerite de Veny d’Arbouze à Notre-Dame-de-Grâce de la-Ville-d’Évêque. En plus d’obtenir du Roi le poste d’abbesse à la Bénédictine du Val-de-Grâce de Notre-Dame-de-la-Crèche pour Marguerite en 1618, Anne achète des terres et transfère le couvent à Paris en 1621. Elle est nommée la nouvelle fondatrice du couvent la même année. Son patronage comprenait la construction d’une petite église et d’un appartement pour elle-même entre 1620 et 1625, contre la volonté de Louis et du cardinal de Richelieu.
Le Val-de-Grâce a été commandé par Anne en 1645, ce qui a été entrepris initialement par François Mansart, démis de ses fonctions en 1646 et remplacé par Jacques Lemercier. Le Val-de-Grâce est devenu le principal lieu de culte d’Anne et gagnera plus tard une importance dynastique pendant la Fronde quand Anne était reine régente. En 1662, Anne acquiert le cœur de son ancêtre, Anne Élisabeth de France, et le place dans la chapelle Sainte-Anne. Elle-même fut inhumée en 1666 dans la chapelle Saint-Sacrement, aux côtés du corps de Marguerite d’Arbouze.
Naissance d’un héritemodifier
Louis XIII, Anne, et leur fils Louis XIV, flanqués du cardinal de Richelieu et de la Duchesse de Chevreuse.
— Madame de Motteville
Malgré un climat de méfiance, la reine tombe à nouveau enceinte, circonstance que les ragots contemporains attribuent à une seule nuit orageuse qui empêche Louis de se rendre à Saint-Maur et l’oblige à passer la nuit avec la reine. Louis XIV est né le 5 septembre 1638, un événement qui a sécurisé la ligne Bourbon. À cette époque, Anne avait 37 ans. Le journal officiel Gazette de France a qualifié la naissance de « merveille alors qu’on s’y attendait le moins « .
La naissance d’un fils vivant n’a pas réussi à rétablir la confiance entre le couple royal. Cependant, elle conçut à nouveau quinze mois plus tard. À Saint-Germain-en-Laye, le 21 septembre 1640, Anne donne naissance à son deuxième fils, Philippe Ier, duc d’Orléans, qui fondera plus tard l’actuelle Maison d’Orléans. Ses deux enfants sont placés sous la surveillance de la gouvernante royale Françoise de Lansac, détestée par Anne et fidèle au roi et au cardinal.
Richelieu fit don à Louis XIII de son hôtel palatial, le Palais Cardinal, au nord du Louvre, en 1636, mais le roi n’en prit jamais possession. Anne quitte le Palais du Louvre pour s’y installer avec ses deux petits fils et reste régente, d’où le nom de Palais-Royal que porte encore la structure.
Régent de FranceModifier
Anne d’Autriche veuve, par Charles de Steuben, Versailles. Elle n’a jamais perdu son amour pour les magnifiques bijoux, et elle aimait particulièrement les bracelets, qui mettaient en valeur ses mains célèbres
À la mort de Louis en 1643, Anne est nommée régente, malgré ses tentatives pour l’empêcher d’obtenir le poste. Avec l’aide de Pierre Séguier, elle fait révoquer par le Parlement de Paris la volonté du défunt roi, ce qui aurait limité ses pouvoirs. Leur fils de quatre ans a été couronné roi de France Louis XIV. Anne assuma la régence mais, à la surprise générale, confia le gouvernement au ministre en chef, le cardinal Mazarin, qui était un protégé du cardinal de Richelieu et figurait parmi le conseil de la régence. Mazarin quitte l’Hôtel Tubeuf pour s’installer au Palais Royal près de la Reine Anne. Peu de temps après, on le croyait être son amant, et, a-t-on laissé entendre, même son mari.
Avec le soutien de Mazarin, Anne surmonte la révolte aristocratique, menée par Louis II de Bourbon, prince de Condé, qui prend le nom de Fronde. En 1651, lorsque son fils Louis XIV est officiellement majeur, sa régence prend fin légalement. Cependant, elle garda beaucoup de pouvoir et d’influence sur son fils jusqu’à la mort de Mazarin.
En janvier 1648, alors qu’elle est régente, Anne reçoit une demande au nom d’artistes affiliés à la couronne ou à l’aristocratie. Les artistes, dirigés par le peintre Charles Le Brun, voulaient l’indépendance du contrôle monopolistique de la guilde, qui condamnait les artistes à une amende ou confisquait leurs œuvres. Les peintres et sculpteurs demandèrent à Louis XIV et à la Reine Régente de former une nouvelle organisation. Ils voulaient fonder une académie qui serait pour les arts visuels ce que l’Académie Française était pour la littérature française ; celle-ci allait devenir l’Académie Royale.