Au cours du débat sur la ratification, beaucoup craignaient que le gouvernement fédéral devienne trop puissant et trop semblable à la monarchie en Grande-Bretagne. Madison a calculé en écrivant le document fédéraliste 46 que l’armée permanente, contrôlée par le gouvernement fédéral, devrait être maintenue sous un maximum de 30 000 soldats, assez pour défendre l’Amérique contre d’autres nations mais pas assez pour opprimer les États. Le peuple lui-même, en conjonction avec la coopération de l’État, considéré comme une alliance plus probable que les gens qui s’allient avec le gouvernement fédéral vs. un État, afin de se protéger du gouvernement fédéral qui les accable de la menace d’une armée permanente comme l’a fait la Grande-Bretagne lorsque le roi George III a envoyé son bataillon en Amérique, a été encouragé à constituer une milice totale d’au moins 500 000 personnes.
Aussi extravagante que soit la supposition, qu’elle soit cependant faite. Qu’une armée régulière, pleinement égale aux ressources du pays, soit formée; et qu’elle soit entièrement à la dévotion du gouvernement fédéral; pourtant, ce ne serait pas aller trop loin pour dire que les gouvernements des États, avec le peuple de leur côté, seraient capables de repousser le danger. Le nombre le plus élevé auquel, selon le meilleur calcul, une armée permanente peut être transportée dans n’importe quel pays, ne dépasse pas un centième du nombre total d’âmes; ou un vingt-cinquième du nombre capable de porter des armes. Cette proportion ne donnerait pas, aux États-Unis, une armée de plus de vingt-cinq ou trente mille hommes. À ceux-ci s’opposerait une milice représentant près d’un demi-million de citoyens les armes à la main, dirigée par des hommes choisis parmi eux, luttant pour leurs libertés communes, et unie et dirigée par des gouvernements possédant leurs affections et leur confiance. On peut très bien douter qu’une milice ainsi circonstanciée puisse un jour être conquise par une telle proportion de troupes régulières. Ceux qui connaissent le mieux la dernière résistance réussie de ce pays contre les armes britanniques seront les plus enclins à en nier la possibilité. Outre l’avantage d’être armé, que les Américains possèdent sur le peuple de presque toutes les autres nations, l’existence de gouvernements subordonnés, auxquels le peuple est attaché, et par lesquels les officiers de milice sont nommés, constitue une barrière contre les entreprises d’ambition, plus insurmontable que toutes celles dont un simple gouvernement de quelque forme que ce soit peut admettre. Malgré les établissements militaires dans les différents royaumes d’Europe, qui sont portés aussi loin que les ressources publiques le supporteront, les gouvernements ont peur de faire confiance au peuple avec des armes. Et il n’est pas certain qu’avec cette seule aide, ils ne pourraient pas se défaire de leurs jougs. Mais si le peuple possédait les avantages supplémentaires des gouvernements locaux choisis par eux-mêmes, qui pouvaient recueillir la volonté nationale et diriger la force nationale, et des officiers nommés hors de la milice, par ces gouvernements, et attachés à eux et à la milice, on peut affirmer avec la plus grande assurance que le trône de toute tyrannie en Europe serait rapidement renversé malgré les légions qui l’entourent.