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Disposition
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:
- liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication.
Dispositions similaires
Des dispositions similaires se trouvent dans les lois canadiennes et les instruments internationaux qui lient le Canada suivants: articles 1(d) et (f) de la Déclaration canadienne des droits; article 10 du Pacte International relatif aux Droits civils et politiques; article 13 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant; article 5(d)(viii) de la Convention sur l’Élimination de Toutes les Formes de discrimination raciale; article 21 de la Convention relative aux Droits des Personnes handicapées; article IV de la Déclaration américaine des Droits et devoirs de l’Homme.
Voir aussi les instruments de droit international, régional et comparé suivants qui ne lient pas le Canada, mais qui comprennent des dispositions similaires: article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme; article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales; article 13 de la Convention Américaine des Droits de l’Homme ; Premier Amendement de la Constitution américaine.
Objet
La protection de la liberté d’expression repose sur des principes et des valeurs fondamentaux qui favorisent la recherche et la réalisation de la vérité, la participation à la prise de décisions sociales et politiques et la possibilité de s’épanouir individuellement par l’expression (Irwin Toy Ltd. v. Québec (Procureur général), 1 R.C.S. 927 à 976; Ford c. Québec, 2 R.C.S. 712 à 765-766).
La Cour suprême du Canada a soutenu que le lien entre la liberté d’expression et le processus politique est » peut-être la pierre angulaire » de la protection prévue à l’alinéa 2b) (R. c. Keegstra, 3 R.C.S. 697; Thomson Newspapers Co. Canada (A.G.), 1 R.C.S. 877; Harper c. Canada (Procureur général), 1 R.C.S. 827). La liberté d’expression est avant tout considérée comme un élément essentiel de la gouvernance démocratique. Les deux autres justifications de la protection de la liberté d’expression — encourager la recherche de la vérité par l’échange ouvert d’idées et favoriser la réalisation de soi individuelle, engageant ainsi directement la dignité humaine individuelle – sont également des valeurs clés qui animent l’analyse de la section 2(b).
Analyse
Les tribunaux canadiens ont interprété très largement l’alinéa 2b), concluant souvent facilement à une violation prima facie.
La Cour suprême a adopté le critère en trois parties suivant pour analyser l’article 2(b): 1) L’activité en question a-t-elle un contenu expressif, ce qui la place-t-elle sous la protection de l’alinéa b) de l’article 2?; 2) La méthode ou l’emplacement de cette expression supprime-t-il cette protection? et 3) Si l’expression est protégée par l’article 2(b), l’action gouvernementale en question porte-t-elle atteinte à cette protection, dans son objet ou dans ses effets? (Société Radio-Canada c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 2 ( » Société Radio-Canada « ); Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc., 3 R.C.S. 141; Irwin Toy Ltd., supra.)
L’activité en question a-t-elle un contenu expressif, ce qui la place-t-elle sous la protection de l’article 2(b)?
L’expression protégée par l’article 2(b) a été définie comme » toute activité ou communication qui transmet ou tente de transmettre un sens » (Thomson Newspapers Co., précité; Irwin Toy Ltd., supra). Les tribunaux ont appliqué le principe de neutralité du contenu dans la définition de la portée de l’article 2(b), de sorte que le contenu de l’expression, aussi offensant, impopulaire ou dérangeant soit-il, ne peut le priver de la protection de l’article 2(b) (Keegstra, précité). Étant neutre sur le contenu, la Charte protège également l’expression des vérités et des faussetés (Canada (Procureur général) c. JTI-Macdonald Corp., 2 R.C.S. 610, au paragraphe 60; R. C. Zundel, 2 R.C.S. 731, au paragraphe 36; R.C. Lucas, 1 R.C.S. 439, au paragraphe 25).
La liberté d’expression comprend plus que le droit d’exprimer des croyances et des opinions. Elle protège à la fois les conférenciers et les auditeurs (Edmonton Journal c. Alberta (procureur général), 2 R.C.S. 1326). L' » expression » peut comprendre toutes les phases de la communication, du fabricant ou de l’initiateur au destinataire, qu’il soit auditeur ou spectateur, en passant par le fournisseur, le distributeur, le détaillant, le locataire ou l’exposant (Dagenais c. Canadian Broadcasting Corp., 3 R.C.S. 835; Irwin Toy Ltd., précité; Rocket c. Collège royal des chirurgiens dentistes de l’Ontario, 2 R.C.S. 232; R. C. Videoflicks (1984), 14 D.L.R. (4e) 10).
L’expression protégée inclut:
- » musique, art, danse, posters, mouvements physiques, marche avec des bannières, etc. » (Weisfeld c. Canada, 1 C.F. 68 (C.A.F.), CanLII – 1994 CanLII 9276 (CAF) au paragraphe 30 (C.A.F.);
- publicité commerciale (R. c. Guignard, 1 R.C.S. 472; Ford, précité; Irwin Toy Ltd., précité; Rocket, précité; Ramsden c. Peterborough (Ville), 2 R.C.S. 1084; RJR-MacDonald Inc. Canada (Procureur général), 3 R.C.S. 199; JTI-Macdonald Corp., précité);
- affiches sur des poteaux de services publics (Ramsden, précité);
- camps de la paix (Weisfeld (C.A.F.), précité);
- panneaux et panneaux d’affichage (Guignard, précité; Vann Niagara Ltd. c. Oakville (Ville), 3 R.C.S. 158);
- piquetage (R.W.D.S.U., Section locale 558 c. Boissons Pepsi-Cola Canada, 1 R.C.S. 156; Dolphin Delivery Ltd. c.R.W.D.S.U. Local 580, 2 R.C.S. 573; C.B.G.E.U. c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2 R.C.S. 214; Dieleman c. Procureur général de l’Ontario (1994), 20 O.R. (3d) 229 (Ont. Général Div.); Morasse c. Nadeau-Dubois; 2016 CSC 44);
- distribution de tracts (U.F.C.W, Section locale 1518 c. Kmart Canada Ltd., 2 R.C.S. 1083; Allsco Produits de construction Ltée. c.U.F.C.W. Local 1288 P, 2 R.C.S. 1136);
- s’exprimer dans la langue de son choix (Ford, précité);
- discours haineux (Keegstra, précité; R.c. Zundel, précité; Saskatchewan (Commission des Droits de la personne) c. Whatcott, 2013 CSC 11, 1 R.C.S. 467; Ross c. Commission scolaire du Nouveau-Brunswick (No 15), 1 R.C.S. 825; Taylor c. Canada (Commission des droits de la personne), 3 R.C.S. 892);
- pornographie (R.C. Butler, 1 R.C.S. 452; Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), 2 R.C.S. 1120);
- pornographie juvénile (Sharpe, précité; R c. Barabash, 2015 CSC 29);
- communication aux fins de prostitution (Renvoi à l’article 193 et à l’alinéa 195.1(1)c) du Code criminel (Manitoba), 1 R.C.S. 1123);
- bruit émis par un haut-parleur de l’intérieur d’un club dans la rue (Montréal (Ville), précité, au paragraphe 58);
- importation de littérature ou de matériel pictural (Little Sisters, précité);
- diffamation diffamatoire (R. c. Lucas, précité, aux paragraphes 25-27);
- vote (Siemens c. Manitoba (Procureur général), 1 C.S. R. 6 au paragraphe 41; Haig c. Canada, 2 R.C.S. 995);
- se présenter comme candidat aux élections (Baier c. Alberta, 2 R.C.S. 673);
- dépenses dans les campagnes électorales et référendaires (Harper, précité; Libman c. Québec (procureur général), 3 R.C.S. Colombie-Britannique (Procureur général), 2017 CSC 6);
- diffusion des résultats des élections (R. c. Bryan, 1 R.C.S. 527);
- travailler pour un parti politique ou un candidat (Osborne c. Canada (Conseil du Trésor), 2 R.C.S. 69);
- publication d’informations de sondage et de sondages d’opinion (Thomson Newspapers Co., supra);
- les contributions monétaires à un fonds peuvent constituer une expression, par exemple, des dons à un candidat ou à un parti politique dans un contexte électoral (Osborne, précité), mais pas lorsque la dépense de fonds serait considérée comme la conduite expressive du syndicat en tant que personne morale (Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, 2 R.C.S. 211) et
- publicité politique sur les véhicules de transport en commun (Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — composante de la Colombie-Britannique, 2 R.C.S. 295 « IVG »).
La liberté d’expression protège également le droit de ne pas s’exprimer. « la liberté d’expression implique nécessairement le droit de ne rien dire ou le droit de ne pas dire certaines choses. Le silence est en soi une forme d’expression qui, dans certaines circonstances, peut exprimer quelque chose de plus clair que les mots ne pourraient le faire » (Slaight Communications Inc. c. Davidson, 1 R.C.S. 1038 à 1080). Ainsi, l’expression forcée ou forcée peut constituer une restriction de l’alinéa 2b) (Slaight Communications, précité; RJR-MacDonald Inc., précité; Banque nationale du Canada c. Syndicat international des commis au détail, 1 C.S.R. 269). La Cour d’appel de l’Ontario a statué que l’obligation de réciter un serment à la Reine lors des cérémonies de citoyenneté ne porte pas atteinte à la liberté d’expression (McAteer c. Canada (procureur général), 2014 ONCA 578, autorisation d’appel à la CSC refusée le 26 février 2015). Il faut faire preuve de prudence lorsque l’on cite McAteer, précité, car cette affaire semble incompatible avec l’interprétation générale de l’alinéa 2b) de la Charte par la Cour suprême.
Une exigence réglementaire de déposer des renseignements et des rapports peut constituer une restriction à la liberté d’expression lorsque le non-respect est assorti de sanctions telles que des amendes ou une peine d’emprisonnement (Harper, précité, paragraphes 138 à 139). Le fait de se conformer à la loi n’équivaut pas à être obligé d’exprimer son appui à la loi (Rosen c. Ontario (procureur général) 131 D.L.R. (4e) 708 (Ont. C.A.)). De même, le paiement forcé d’impôts au gouvernement pour financer des initiatives législatives (p. ex., subventions publiques aux candidats aux élections pour couvrir leurs dépenses de campagne) n’implique pas nécessairement une expression d’appui à ces initiatives (MacKay c. Manitoba, 2 R.C.S. 357; Lavigne, précité).
Il n’est pas nécessaire qu’une expression soit reçue et subjectivement comprise pour qu’elle soit protégée en vertu de l’article 2(b) (Weisfeld (C.A.F.), précité; R. c. A.N. Koskolos Realty Ltd., (1995), 141 N.S.R. (2d) 309 (N.s.Prov.Tomodensitométrie.)).
La vente physique d’un produit non expressif (cigarettes) s’est avérée ne pas être une forme d’expression (Rosen, (Ont. C.A.)). La coloration jaune de la margarine n’est pas une forme d’expression (UL Canada Inc. c. Québec (Procureur général), 1 R.C.S. 143, au paragraphe 1).
La méthode ou l’emplacement de cette expression supprime-t-elle cette protection?
La Cour suprême a déclaré que la méthode ou l’emplacement de la transmission d’un message sera exclu de la protection 2b) si cette méthode ou cet emplacement entre en conflit avec les valeurs sous-jacentes à la disposition, à savoir : l’épanouissement personnel, le discours démocratique et la recherche de la vérité (Canadian Broadcasting Corp., précité, au paragraphe 37; Montréal (Ville), supra au paragraphe 72). Dans la pratique, cependant, ce critère n’est généralement appliqué qu’à une analyse du lieu d’expression; la méthode d’expression est généralement considérée comme relevant de la protection de l’alinéa b) de l’article 2, à moins qu’elle ne prenne la forme de violence ou de menaces de violence.
(i) Méthode d’expression
L’expression qui prend la forme de violence n’est pas protégée par la Charte (Irwin Toy Ltd., supra aux pages 969-70). La Cour suprême a statué que, que la violence physique soit ou non expressive, elle ne sera pas protégée par l’article 2 b) (Keegstra, précité; Zundel (1992), précité; Irwin Toy Ltd., supra). Les menaces de violence échappent également au champ d’application de l’alinéa 2b) de la protection (Greater Vancouver Transportation Authority, précité, au paragraphe 28; Suresh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1 R.C.S. 3, aux paragraphes 107 et 108; R.C. Khawaja, 2012 CSC 69, au paragraphe 70). À d’autres égards, la forme ou le support utilisé pour transmettre un message est généralement considéré comme faisant partie intégrante du message et inclus dans la section 2(b) protection (Weisfeld (C.A.F.), précitée).
(ii) Emplacement d’expression
La protection de la section 2(b) ne s’étend pas à tous les endroits. La propriété privée, par exemple, ne relèvera pas de la sphère protégée de l’article 2(b) en l’absence de limites imposées par l’État à l’expression, puisque l’action de l’État est nécessaire pour impliquer la Charte. Certaines affaires de tribunaux inférieurs ont suggéré que la liberté d’expression n’englobe pas la violation du droit d’auteur. Cette conclusion est justifiée par le fait que la liberté d’expression n’englobe pas la liberté d’utiliser la propriété privée de quelqu’un d’autre (p. ex.(voir Compagnie générale des établissements Michelin c.C.A.W. Canada, 2 C.F. 306 (D.T.)). Il convient toutefois de noter que cette interprétation de l’alinéa 2b) semble incompatible avec l’interprétation large de la disposition par la Cour suprême.
L’application de l’article 2(b) n’est pas automatique par le simple fait que le gouvernement est propriétaire du lieu en question. Il doit y avoir une enquête plus approfondie pour déterminer s’il s’agit du type de propriété publique qui fait l’objet d’une protection en vertu de l’alinéa 2b) (Montréal (Ville), précité, aux paragraphes 62 et 71; Comité pour le Commonwealth du Canada, précité). Dans Montréal (Ville), la majorité de la Cour suprême a établi le critère actuel pour l’application de l’alinéa 2b) aux biens publics (voir aussi la LVG, précitée). Il incombe au demandeur de satisfaire à ce critère (paragraphe 73). La question fondamentale en ce qui concerne l’expression sur des biens appartenant à l’État est de savoir si le lieu est un lieu public où l’on pourrait s’attendre à une protection constitutionnelle de la liberté d’expression du fait que l’expression dans ce lieu n’entre pas en conflit avec les objectifs que l’alinéa 2b) est censé servir, à savoir (1) le discours démocratique, (2) la recherche de la vérité et (3) l’épanouissement personnel. Pour répondre à cette question, les facteurs suivants doivent être pris en compte:
- La fonction historique ou réelle du lieu; et
- Si d’autres aspects du lieu suggèrent que l’expression en son sein porterait atteinte aux valeurs sous-jacentes à la liberté d’expression. (Montréal (Ville), paragraphes 73 et 74).
La Cour suprême a souligné que la question ultime est le deuxième facteur (Montréal (Ville) au paragraphe 77). Dans l’affaire Canadian Broadcasting Corp, précitée, la cour a ajouté que l’analyse du deuxième facteur devrait porter sur l’activité expressive essentielle plutôt que sur les » excès » qui seraient accessoires à cette activité. Dans ce cas particulier, l’activité expressive essentielle, la capacité d’un journaliste à rassembler des informations dans un palais de justice pour informer le public sur les procédures judiciaires, a été retenue pour engager l’article 2(b), malgré les excès accessoires de cette expression (« crowds des foules, poussant et bousculant, et poursuivant des sujets possibles afin de les interviewer, de les filmer ou de les photographier… ») (paragraphes 43, 45).
Les autres questions pertinentes qui peuvent guider l’analyse de la protection de l’expression dans un lieu particulier en vertu de l’alinéa 2b) sont les suivantes :: si l’espace est un espace dans lequel la liberté d’expression a traditionnellement eu lieu; si l’espace est en fait essentiellement privé, bien qu’il appartienne au gouvernement, ou public; si la fonction de l’espace est compatible avec l’expression publique ouverte, ou si l’activité exige la vie privée et un accès limité; si un droit ouvert d’empiéter et de présenter son message par la parole ou l’action serait compatible avec ce qui se fait dans l’espace, ou si cela entraverait l’activité (Montréal (Ville), paragraphe 76). Il y a une certaine souplesse dans l’analyse et le fait de permettre l’expression publique dans un emplacement particulier de la propriété gouvernementale n’engage pas le gouvernement à une telle utilisation indéfiniment (LVG, paragraphe 44).
La loi ou l’action gouvernementale en cause restreint-elle, dans son objet ou dans ses effets, la liberté d’expression?
(i) Objet
Lorsque le but d’une action gouvernementale est de restreindre le contenu de l’expression, de contrôler l’accès à un certain message ou de limiter la capacité d’une personne qui tente de transmettre un message de s’exprimer, ce but enfreindra l’article 2(b) (Irwin Toy Ltd., supra; Keegstra, supra).
(ii) Effet
Même si un but est compatible avec l’article 2(b), une personne peut être en mesure de démontrer que l’effet de l’action gouvernementale porte atteinte à son droit à l’article 2(b). Dans cette situation, l’individu doit démontrer que son expression favorise une ou plusieurs des valeurs sous-jacentes à l’article 2(b), par exemple, la participation à la prise de décisions sociales et politiques, la recherche de la vérité et l’épanouissement individuel (Irwin Toy Ltd., précité; Ramsden, précité). Bien que des décisions plus récentes de la Cour suprême se réfèrent encore à ce principe de démonstration de l’effet de l’action gouvernementale, la Cour ne semble pas appliquer avec beaucoup de vigueur l’exigence selon laquelle une personne doit faire preuve d’un progrès de valeurs, tendant plutôt à trouver facilement une restriction de l’alinéa 2b).
Si un tribunal conclut que l’action du gouvernement, dans son but ou dans ses effets, enfreint l’article 2(b), il examinera ensuite si la limite à la liberté d’expression est justifiable en vertu de l’article 1.
Questions choisies
Section 2 b) – Une exigence pour une action gouvernementale positive?
La liberté d’expression exige généralement seulement que le gouvernement s’abstienne d’interférer avec l’exercice du droit. « L’opinion traditionnelle, en termes familiers, est que la liberté d’expression contenue à l’article 2(b) interdit les gags, mais n’oblige pas la distribution de mégaphones » (Haig, précité, à la page 1035). En général, il appartient au gouvernement de déterminer quelles formes d’expression ont droit à un soutien spécial et, lorsque le gouvernement choisit de fournir une plate-forme d’expression, il doit le faire conformément à la Charte, y compris à l’article 15 (Delisle c. Canada (Sous-procureur général), 2 R.C.S. 989; Siemens, précité, au paragraphe 43; AFAC c. Canada, 3 R.C.S. 627).
Cependant, dans certaines circonstances limitées, l’alinéa 2b) obligera le gouvernement à étendre un moyen ou une plate-forme d’expression sous-inclusif à un groupe ou à des individus particuliers (Baier c. Alberta, 2 R.C.S. 673). Ces circonstances seront déterminées conformément aux facteurs énoncés dans Dunmore c. Ontario, 3 R.C.S. 1016 et adaptés au contexte de l’alinéa 2b) de l’arrêt Baier (supra au paragraphe 30):
- que la revendication est fondée sur une liberté d’expression fondamentale plutôt que sur l’accès à un régime statutaire particulier;
- que le demandeur a démontré que l’exclusion d’un régime statutaire a pour effet une atteinte substantielle à la liberté d’expression prévue à l’article 2(b) ou a pour but de porter atteinte à la liberté d’expression protégée par l’article 2(b); et
- que le gouvernement est responsable de l’incapacité d’exercer la liberté d’expression
Les facteurs de Dunmore ne doivent être examinés qu’après qu’un tribunal s’est convaincu que l’activité en question est une forme d’expression et que la demande est en fait une demande d’action positive (Baier, précité, au paragraphe 30). Pour déterminer si une revendication vise un » droit positif « , il faut se demander si la revendication exige que le gouvernement agisse pour soutenir ou permettre une activité expressive (Baier, précité, au paragraphe 35). Une réclamation positive ne devient pas une réclamation pour un droit négatif lorsque le gouvernement réduit l’accès à une plate-forme d’expression à laquelle les demandeurs avaient auparavant accès (Baier, précité, au paragraphe 36).
À l’heure actuelle, il n’est pas clair si le test de Dunmore en trois parties reste une bonne loi. La Cour suprême n’a pas appliqué ce critère depuis Baier, précité. La Cour a explicitement refusé de l’appliquer dans Ontario c. Criminal Lawyers’ Association, 1 R.C.S. 815, au paragraphe 31. Dans l’affaire Ontario c. Fraser, 2011 CSC 20, a freedom of association case, la Cour suprême n’a pas mentionné le critère de Dunmore malgré son applicabilité évidente à la question de savoir si l’alinéa 2d) impose des obligations positives au gouvernement dans le contexte de la négociation collective.
Il convient également de noter que le cadre de revendication des » droits positifs » établi dans Baier, précité, ne s’applique que lorsqu’une catégorie de demandeurs est exclue d’une plate-forme d’expression spécifique créée par le gouvernement. Dans GVTA, précitée, par exemple, la Cour suprême a statué que l’analyse positive des droits ne s’appliquait pas aux restrictions de contenu pour les publicités dans les autobus. Les publicités politiques de groupes d’étudiants étaient interdites uniquement en raison de la nature politique de leur contenu et non en raison de la catégorie de personnes revendiquant ce droit (paragraphes 29 à 36).
L’alinéa 2b) protège-t-il un droit d’accès plus large à l’information?
L’article 2(b) garantit la liberté d’expression, pas l’accès à l’information, et ne garantit donc pas l’accès à tous les documents entre les mains du gouvernement. L’accès aux documents entre les mains du gouvernement n’est protégé par la Constitution que lorsque, sans l’accès souhaité, un débat public significatif et des critiques sur des questions d’intérêt public seraient considérablement entravés (Ontario (Sûreté et sécurité publiques) c. Criminal Lawyers’ Association (2010), 319 D.L.R. (4e) 385; 2010 CSC 23). Lorsqu’un demandeur démontre que le refus d’accès empêche effectivement des commentaires pertinents, il y a prima facie pour la production des documents en question (Criminal Lawyers Association, supra, aux paragraphes 33 et 37).
Cependant, même lorsqu’une preuve prima facie est établie, la demande en vertu de l’alinéa 2b) peut être rejetée par des considérations compensatoires incompatibles avec la production (Criminal Lawyers Association aux paragraphes 33 et 38). Ces considérations comprennent des privilèges, tels que le secret professionnel de l’avocat et d’autres privilèges de common law bien établis (Association des avocats pénalistes, au paragraphe 39). Ils comprennent également des » contraintes fonctionnelles » — par exemple, l’évaluation de l’incompatibilité d’une fonction gouvernementale particulière avec l’accès à certains documents. Certains types de documents — comme les documents confidentiels du Cabinet — peuvent demeurer exemptés de la divulgation parce que la divulgation aurait une incidence sur le bon fonctionnement des institutions touchées (Association des avocats pénalistes, au paragraphe 40).
Le principe de la transparence des audiences
En ce qui concerne les tribunaux, en particulier les procédures criminelles, il existe une présomption générale favorisant la transparence (R.C. MacIntyre, 1 R.C.S. 175; CBC c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), 3 R.C.S. 480; B.C.G.E.U. c. Colombie-Britannique (Procureur général), précité). Le principe de la publicité des audiences est profondément ancré dans notre tradition de common law et est protégé par l’alinéa 2b) (Ruby c. Canada (Solliciteur général), 4 R.C.S. 3 au paragraphe 53). Il est également protégé par le droit à un procès équitable et public en vertu de l’article 7 et de l’article 11 (d). Les membres du public ont le droit de recevoir des renseignements concernant toutes les procédures judiciaires, y compris l’étape préliminaire du procès, sous réserve de l’intérêt public prépondérant (Edmonton Journal (1989), précité; Re Vancouver Sun, 2 R.C.S. 332 au paragraphe 27; Toronto Star Newspapers Ltd. c. Canada, 1 RCS 721). Les limites au principe de la comparution en audience publique dans le contexte de la mise en liberté provisoire (mise en liberté sous caution) ont été jugées justifiables en vertu de l’article 1 de la Charte lorsque ces limites contribueraient à préserver l’équité du procès et à assurer l’opportunité du processus de mise en liberté sous caution, évitant ainsi la détention inutile de l’accusé (Toronto Star Newspapers Ltd. c. Canada, supra).
Le principe de la publicité des audiences est lié à la liberté de la presse, car les médias sont un moyen important par lequel le public reçoit des informations sur ce qui se passe au tribunal (Re Vancouver Sun, précité, au paragraphe 26). La Cour suprême a affirmé que l’accès aux pièces de la cour est un corollaire du principe de la publicité des audiences (Canadian Broadcasting Corp. c. La Reine, 2011 CSC 3 ( » Dufour « ), CBC c. N.-B. (1996), précité; Hill c. Church of Scientology of Toronto, 2 R.C.S. 1130). Lorsqu’il n’y a pas de disposition législative expresse régissant cet accès, il appartient au juge de première instance de déterminer si l’accès doit ou non être accordé en utilisant le cadre Dagenais/Mentuck (voir ci-dessous) (Dufour, précité). Cependant, l’alinéa 2b) n’inscrit pas dans la Constitution des techniques spécifiques de collecte de nouvelles et toutes les techniques ou méthodes journalistiques, comme le recours à des informateurs confidentiels, ne sont pas protégées (R. c. National Post, 1 R.C.S. 477 au paragraphe 38).
Le principe de la publicité des audiences en vertu de l’alinéa 2b) ne se limite pas aux procédures criminelles puisque la Cour suprême s’est également appuyée sur ce principe dans le contexte civil (Sierra Club du Canada c. Canada (ministre des Finances), 2 R.C.S. 522, au paragraphe 36; Edmonton Journal (1989), précité, aux paragraphes 5 à 11 et 55 à 63). Il existe une jurisprudence importante des tribunaux inférieurs qui suggère que le » principe de la transparence des audiences » s’applique également aux tribunaux administratifs exerçant une fonction judiciaire ou quasi judiciaire (CBC c. Summerside (Ville), J.I.P. no. 3 (QL), au paragraphe 25, fournit un bon résumé de la jurisprudence sur ce point, tandis que Robertson c. Edmonton (Ville) Police Services, 2004 ABQB 519, aux paragraphes 192 à 215, nuance dans une certaine mesure ce point).
Le pouvoir discrétionnaire d’un juge de restreindre l’accès du public aux procédures judiciaires (p. ex., par un interdit de publication), qu’il soit conféré par la common law ou par la loi, doit être exercé dans les limites fixées par la Charte (Dagenais, précité; R. c. Mentuck, 3 R.C.S. 442; Dufour, précité). Par exemple, le droit à un procès équitable, qu’une interdiction de publication peut chercher à garantir, et la liberté d’expression ont la même importance en vertu de la Charte et l’un ne l’emporte pas automatiquement sur l’autre. Lorsqu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire de limiter l’accès du public à une procédure judiciaire, les tribunaux établissent un équilibre entre la liberté d’expression et l’intérêt public d’être informés du processus judiciaire et de la responsabilité judiciaire, et d’autres droits et intérêts importants, incorporant ainsi l’essence du critère de Oakes en vertu de l’article 1 (Dagenais, précité; Mentuck, précité, au paragraphe 27; Re Vancouver Sun, précité; Sierra Club du Canada, précité; Globe and Mail c. Canada (A.G.), 2010 CSC 41). C’est à la partie qui demande la restriction qu’il incombe de déplacer le principe de la publicité des audiences (CBC c. N.B. (1996), précité au paragraphe 71; Re Vancouver Sun, précité au paragraphe 31).
Une interdiction de publication discrétionnaire des procédures judiciaires ne devrait être ordonnée que lorsque:
- une telle ordonnance est nécessaire pour prévenir un risque grave pour la bonne administration de la justice, car des mesures raisonnablement alternatives ne préviendront pas le risque, et
- les effets salutaires de la restriction de l’accès l’emportent sur les effets délétères sur les droits des parties et du public, y compris les effets sur le droit à la liberté d’expression, le droit de l’accusé à un procès équitable et public et l’efficacité de l’administration de la justice (Mentuck, précité, au paragraphe 32; voir aussi A.B. contre Bragg Communications Inc., 2012 CSC 46 au paragraphe 11).
En évaluant la nécessité selon la première branche du critère, la Cour suprême a souligné, premièrement, que le risque en question doit être un risque sérieux bien fondé sur la preuve. Deuxièmement, l’expression « bonne administration de la justice » doit être interprétée avec soin afin de ne pas permettre la dissimulation d’une quantité excessive d’informations. La Cour a ajouté que la » bonne administration de la justice » peut inclure des intérêts importants autres que les droits garantis par la Charte. Troisièmement, le juge ordonnant l’interdiction doit non seulement examiner si des alternatives raisonnables sont disponibles, mais aussi limiter l’interdiction autant que possible sans sacrifier la prévention du risque (Mentuck, précité aux paragraphes 31, 34 à 36).
La Cour suprême a jugé que le cadre Dagenais/Mentuck est suffisamment souple pour s’appliquer, avec les adaptations nécessaires, à toutes les décisions judiciaires discrétionnaires qui restreignent l’accès du public aux procédures judiciaires (Mentuck, précité, au paragraphe 33). Cela comprend les décisions concernant la tenue ou non d’une procédure à huis clos (dans l’affaire Vancouver Sun, précitée aux paragraphes 29 et 30), la délivrance ou non d’une ordonnance de confidentialité protégeant les documents présentés au tribunal contre la divulgation publique (Sierra Club du Canada, précité au paragraphe 48), l’interdiction de publication des négociations de règlement dans le contexte d’une procédure civile (Globe and Mail, précité au paragraphe 87), et dans la phase préalable à l’accusation ou à l' » étape de l’enquête » d’une procédure criminelle (Toronto Star Newspapers Ltd. Ontario, 2 R.C.S. 188).
Les questions pertinentes qui guident l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire lors de la restriction de l’accès du public aux procédures judiciaires comprennent la prise en compte des droits et intérêts pertinents en jeu (tels que les intérêts de l’administration de la justice, de protéger les innocents, d’assurer un procès équitable, de protéger les intérêts de la vie privée, de protéger une enquête en cours ou de protéger un intérêt commercial important (Edmonton Journal (1989), précité; Southam Inc. et La Reine (1986), 26 D.L.R. (4e) 479 (Ont. C.A.); Canadian Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), 2 R.C.S. 122; CBC c. N.-B. (1996), précité; Re Vancouver Sun, précité; Sierra Club du Canada, précité; French Estate c. Ontario (procureur général) (1998), 38 O.R. (3d) 347 (Ont. C.A.), A.B.v. Bragg Communications Inc., précité); la nature de l’enquête en cause (p. ex., judiciaire, quasi judiciaire, d’enquête), son régime législatif et la pratique qui s’y rattache (Pacific Press Ltd. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, 2 C.F. 327 (C.A.F.); Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général) (1983), 5 D.L.R. (4th) 240 (ABQB), aff’d (1984) 13 D.L.R. (4th) 479 (ABCA), congé refusé à la CSC (1984) 34 Alta. L.R. (2d); La société Southam Inc. c. Coulter (1990), 75 O.R. (2d) 1 (Ont. C.A.); Travers c. Canada (Commission d’enquête sur les activités du Groupement tactique du Régiment aéroporté du Canada en Somalie, J.C.F. No 932 (C.A.F.); Re Vancouver Sun, précité); la durée de la restriction (temporaire ou permanente); l’efficacité de la restriction à la lumière des nouvelles technologies (French Estate (Ont. C.A.), précité); si les renseignements demandés sont déjà dans le domaine public (Re Vancouver Sun, précité; Globe and Mail, précité); et la probabilité qu’une personne impliquée dans l’instance, comme un juré, soit partiale en l’absence d’une telle restriction (Dagenais, précité).
Dans le cas d’une interdiction de publication obligatoire prévue par la loi, l’équilibrage des droits pour déterminer la validité du régime devrait avoir lieu en vertu de l’article 1, en appliquant le test Oakes (Toronto Star Newspapers Ltd. c. Canada, supra).
Accès aux travaux législatifs
Les privilèges parlementaires sont constitutionnels et, par conséquent, une assemblée législative peut réglementer l’accès à ses travaux en vertu de ses privilèges, même si cela limite la liberté de la presse de rendre compte de ces travaux (N.B. Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée de la Chambre), 1 R.C.S. 319; Zundel c. Boudria, et al. (1999), 46 O.R. (3d) 410 (Ont. C.A.)).
Immunité journalistique
L’article 2(b) ne protège pas toutes les techniques de « collecte de nouvelles ». La liberté d’expression et la liberté de la presse n’englobent pas une large immunité pour les journalistes contre la production de preuves matérielles pertinentes pour une infraction pénale ou contre la divulgation de sources confidentielles. Par conséquent, une ordonnance judiciaire visant à obliger la divulgation d’une source secrète ne limiterait en général pas l’alinéa 2b), que ce soit dans un procès criminel (R. c. National Post, précité aux paragraphes 37 à 41) ou dans le contexte d’un litige civil (Globe and Mail, précité aux paragraphes 20 à 22). Un privilège de journaliste-source qualifié existe en common law et un critère fondé sur les valeurs de la Charte est utilisé pour déterminer l’existence d’un privilège au cas par cas (R. c. National Post, précité, paragraphes 50 à 55; Globe and Mail, précité, paragraphes 53 à 57). Dans le cas d’une demande d’ordonnance de communication à l’encontre des médias, le juge ordonnateur devrait appliquer aux faits de l’affaire une analyse spécifique qui équilibre l’intérêt de l’État pour l’enquête et la poursuite des crimes et le droit des médias à la vie privée dans la collecte et la diffusion des nouvelles (R. c. Vice Media Canada Inc., 2018 CSC 53 au paragraphe 82).
Application de l’alinéa 2b) dans les litiges privés
Bien qu’une affaire de droit privé ne soit pas régie directement par la Charte, l’évolution de la common law doit être éclairée et guidée par les valeurs de la Charte (Grant v. Torstar Corp., 3 R.C.S. 640 au paragraphe 44; Quan v. Cusson, 3 R.C.S. 712; Hill v. Church of Scientology of Toronto, précité au paragraphe 97; WIC Radio Ltd. . c. Simpson, 2 R.C.S. 420 au paragraphe 2 concernant les actions en diffamation). Les tribunaux devraient, de temps à autre, réévaluer la cohérence de la common law avec » l’évolution des attentes de la société sous l’angle des valeurs de la Charte » (Grant c. Torstar Corp., précité, au paragraphe 46). Les valeurs sous-jacentes à l’alinéa 2b) de la Charte ont été à la base des récents changements apportés à la common law en matière de diffamation, qui ont créé une nouvelle défense de » communication responsable sur des questions d’intérêt public » (Grant c. Torstar Corp.; Quan c. Cusson).
L’alinéa 2b) ne crée pas de privilège dans les notes de journalistes dans le contexte d’un litige privé (Bank of B.C. c. Société Radio-Canada (1995), 126 D.L.R. (4e) 644 (C.A.C.B.)). Les radiodiffuseurs privés ne sont pas tenus de fournir un forum pour des messages particuliers (AFAC, précité; Haig, précité; New Brunswick Broadcasting Co. CRTC, 2 C.F. 410 (C.A.F.), Trieger c. Société radio-Canada (1988), 66 O.R. (2d) 273 (Ont. Le juge H.C., 1988 CanLII 4568 (ON SC)); Partie de droit naturel c. Société Radio-Canada, 1 C.F. 580 (D.T.)). La SRC, du moins dans son rôle de présentateur de nouvelles indépendant, n’est pas assujettie à la Charte (Trieger, précité; Natural Law Party, précité). Lorsque les juges doivent appliquer les valeurs de la Charte dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire dans des situations particulières, il n’est pas nécessaire qu’une partie qui fait valoir la façon dont ces valeurs de la Charte devraient être appliquées donne un avis constitutionnel (Bank of B.C., précité).
Bien que la Charte s’applique à la common law, et bien que les juges devraient élaborer la common law d’une manière compatible avec les valeurs de la Charte (R.W.D.S.U. c. Pepsi-Cola, précité), l’alinéa 2b) ne protégera pas les personnes engagées dans des litiges privés lorsque la limite à la liberté d’expression se trouve dans la common law (p. ex., incitation à enfreindre le contrat) et lorsqu’il n’y a pas d’action gouvernementale importante en cause (Dolphin Delivery, précité; Hill, précité).
7. Expression par les fonctionnaires
Pour les fonctionnaires, la liberté d’exprimer des critiques publiques à l’égard des politiques gouvernementales est limitée par une obligation de loyauté envers leur employeur en common law (Fraser c.P.S.S.R.B., 2 R.C.S. 455 la cause principale sur cette question, bien qu’elle n’ait pas été techniquement tranchée en vertu de l’article 2 b); voir aussi Haydon et. Al. Canada, 2 C.F. 82 (C.F.T.D.); Haydon c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CF 749 au paragraphe 43 (C.F.)). L’objectif du devoir, qui est de promouvoir une fonction publique impartiale et efficace, a été jugé urgent et important (Haydon (2001), précité aux paragraphes 69 à 75; Haydon (2004), précité au paragraphe 45 (C.F.); Osborne, précité). Cette obligation devrait restreindre la liberté d’expression de façon minimale et n’exige pas un silence absolu de la part des fonctionnaires (Osborne, précité; Haydon (2001), précité, au paragraphe 86). Pour garantir une atteinte minimale et une proportionnalité entre l’effet et l’objectif, il est nécessaire d’équilibrer le devoir de loyauté et la valeur de la liberté d’expression (Fraser, précité; Haydon (2001), précité au paragraphe 67; Haydon (2004), précité au paragraphe 45; Alberta Union of Provincial Employees (A.U.P.E.) c. Alberta, 2002 ABCA 202, 218(4th) D.L.R. 16 au paragraphe 29).
En règle générale, il a été constaté que lorsqu’une question englobe des questions d’intérêt public, par exemple lorsque le gouvernement se livre à des actes illégaux, lorsque les politiques gouvernementales mettent en péril la vie, la santé ou la sécurité d’autrui, ou si la critique n’a aucune incidence sur la capacité du fonctionnaire à s’acquitter efficacement de ses fonctions ou sur la perception du public de cette capacité, l’intérêt public l’emporte sur l’objectif d’une fonction publique impartiale et efficace (Haydon (2001), précité aux paragraphes 82 et 83; Haydon (2004), précité au paragraphe 45; Stenhouse c. Canada (procureur général), 2004 CF 375 (C.F.) au paragraphe 32).
Norme pour les injonctions interlocutoires
Aux fins de l’octroi d’une injonction interlocutoire en cas de diffamation ou de discours haineux, les tribunaux appliqueront un critère différent de celui de Cyanamide (American Cyanamid Co. v. Ethicare Ltd., C.A. 396 (H.L), approuvée dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., 1 R.C.S. 110 aux pp. 128-129). Dans ce contexte, le critère de nocivité du cyanamide n’est pas approprié (CCDP c. Canadian Liberty Net, 1 R.C.S. 626).
La liberté d’expression en tant que valeur de la Charte dans la prise de décisions administratives discrétionnaires
La liberté d’expression est également une » valeur de la Charte » et les décideurs administratifs doivent équilibrer correctement les objectifs législatifs pertinents avec cette valeur lorsqu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire en vertu d’une loi. Dans l’arrêt Doré, la Cour suprême a conclu que les instances disciplinaires professionnelles comme le Barreau du Québec pourraient devoir tolérer un » degré de critique discordante » de la magistrature en raison de la valeur de la liberté d’expression. Toutefois, la décision du Conseil de discipline du Barreau de réprimander M. Doré dans ce cas précis était justifiée en raison du » degré excessif de vitupération » dans le ton de sa lettre à un juge. La Cour a estimé que les exigences de civilité pour les avocats doivent être équilibrées avec les avantages d’une critique ouverte, voire énergique, de nos institutions publiques. » (Doré c. Barreau du Québec, 1 R.C.S. 395).
Article 1 considérations particulières à cet article
La vaste portée de l’article 2(b) signifie que, dans la plupart des cas, la constitutionnalité de la loi ou de l’action gouvernementale dépendra de l’analyse de l’article 1. D’une manière générale, en raison de l’importance du droit à la liberté d’expression, » toute tentative de restreindre ce droit doit être soumise à l’examen le plus minutieux » (Sharpe, précité, au paragraphe 22). Cependant, le » degré de protection constitutionnelle peut varier en fonction de la nature de l’expression en cause…la faible valeur de l’expression peut être plus facilement compensée par l’objectif du gouvernement » (Thomson Newspapers Co., précité au paragraphe 91; JTI-Macdonald Corp., précité; Lucas, précité aux paragraphes 116 et 121; Sharpe, précité au paragraphe 181; Whatcott, précité aux paragraphes 147 et 148; Butler, précité à la page 150). Par exemple, les limites sont plus faciles à justifier lorsque l’activité expressive ne fait que progresser de manière ténue les valeurs de l’alinéa 2b), comme dans le cas des discours haineux, de la pornographie ou de la commercialisation d’un produit nuisible (Keegstra, précité; Whatcott, précité; Rocket, précité; JTI-Macdonald Corp., précité). Les limites à la parole politique seront généralement les plus difficiles à justifier (Thomson Newspapers Co., précité; Harper, précité). Les restrictions seront également plus difficiles à justifier lorsqu’elles capturent une expression qui favorise des fins artistiques, scientifiques, éducatives ou d’autres fins sociales utiles (Butler, précité).
La question de savoir si la limite porte atteinte le moins possible au droit à la liberté d’expression est souvent le facteur décisif dans les affaires relevant de l’article 2 b). Une interdiction totale d’une forme d’expression sera plus difficile à justifier qu’une interdiction partielle (RJR-MacDonald Inc., précité; JTI-Macdonald Corp., précité; Ruby, précité; Thomson Newspapers Co., précité; Toronto Star Newspapers Ltd., supra). Une restriction à l’expression assortie d’une peine civile plutôt que d’une sanction pénale comme l’emprisonnement sera considérée comme une solution moins nuisible (Zundel (1992), précité; Taylor, précité).
Lorsque la limite à la liberté d’expression est minimale, la cour peut, dans certaines circonstances comme la publicité électorale, accepter des justifications de l’article 1 pour cette limite fondées sur la logique et la raison sans appuyer les preuves des sciences sociales (C.-B. Freedom of Information, précité).
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Date de modification : 2019-06-17